La présentation des oeuvres de Murakami à Versailles n'est pas une grande réussite car la distance entre son univers esthétique et celui du Grand Siècle français est quasiment infranchissable. C'était déjà la première impression ressentie avec la présence des oeuvres de Jeff Koons, il y a deux ans dans les mêmes lieux, mais son inspiration artistique était néanmoins occidentale et hormis les provocations ( comme l'exposition de son propre buste dans le salon d'Apollon dont tout le monde s'est moqué), son bouquet de fleurs dans la Chambre de la Reine n'était pas si ridicule !
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J. Koons en Apollon et dans le même album le bouquet de J. Koons dans la Chambre de la Reine
De manière un peu comparable, l'oeuvre de Murakami "Flower Matango" s'intègre par exemple elle aussi assez bien à la Galerie des glaces où sont représentés à profusion de nombreux motifs floraux et des chérubins potelés, en réalité des décors surchargés et stéréotypés de l'époque.
La présence de l'oeuvre appelée "Miss ko2" , une jeune fille aux seins plantureux dans le style de la BD japonaise, debout dans un coin du salon de la Guerre, laisse par contre très perplexe, et il y a d'autres oeuvres à propos desquelles on peine à comprendre la raison de leur présence. Au premier degré, elles apparaissent enfantines comme les 3 sculptures appelées "Jellyfish Eyes" et plutôt destinées à évoquer des mythologies quotidiennes japonaises. Que viennent-elles faire dans cet environnement ? Que nous disent-elles sur l'absolutisme des anciens Régimes de l'Occident chrétien ?
L'exposition n'est néanmoins pas aussi ratée qu'ont bien voulu le dire certains milieux conservateurs ; ainsi la confrontation de "The Emperor's new clothes" avec le Sacre de Napoléon est plutôt cocasse et drôle. Napoléon n'est-il pas lui-même déguisé en Empereur ? Les peintures exposées à sa gloire ne sont que les fruits de la propagande officielle qui a mené aux catastrophes que l'on connait. L'oeuvre exposée par Murakami agit en miroir et ridiculise l'Empereur sur le mode de la BD et c'est plutôt sympathique
Globalement la rencontre de Murakami et de Versailles n'apparaît quand même pas très justifiée artistiquement, elle a le mérite de nous rappeler la vacuité du pouvoir mais l'environnement artistique de Versailles écrase la plupart de ses oeuvres. Les créations de Murakami sont bien mieux à leur place et mises en valeur dans un musée d'art contemporain où, confrontées à celles de son temps, elles nous parlent d'une société japonaise dont les mythologies ressemblent aux nôtres. Son exposition en 2009 au musée Guggenheim de Bilbao était à ce titre très réussie et en résonance avec l'architecture foisonnante et universelle de Frank Gehry.
Site de l'Exposition Murakami Versailles
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